Aden, douze ans ; A défaut d’avoir une véritable famille, Aden était bourré de cadeaux. Comme chaque anniversaire, il recevait des montagnes de choses dont il ne se servait jamais. Un coup de fil de son père travaillant à l’autre bout du monde, un bref baiser sur la joue de la part de sa mère qui, lunettes de soleil sur le nez, allait retrouver son amant. Aden avait bien compris qu’il ne servait à rien de tenter d’attirer leur attention, de faire ce qui était en son pouvoir pour leur plaire. Le garçon avait pourtant tout essayé : meilleurs résultats scolaires, gagnant d’un concours national de sciences, champion du tournoi d’échec et médaillé de natation, tout y était passé en l’espace de douze petites années. Mais ses parents continuaient d’être aveugles à son seul véritable besoin : l’attention, et leur amour. Il avait tout ce qu’il voulait, et plus rien à désirer si ce n’était eux. Or Aden n’était pas totalement seul, loin de là. Vivaient de chaque côté de la demeure Moriarty ses voisins et meilleurs amis, une fille et un garçon de son âge. Tous deux issus de familles aussi riches que la sienne, ils se connaissaient depuis toujours et passaient l’essentiel de leur temps ensemble. Ils le rejoignirent cet après-midi-là pour lui prouver que sa vie n’était pas aussi solitaire qu’elle en avait l’air et qu’eux pensaient à lui et l’aimaient. Ensemble, ils firent les quatre-cent coups dans les rues de la ville, criant et sautillant partout, s’émerveillant de chaque petit détail qu’ils découvraient. Ils grandissaient ensemble, partageaient leurs premières joies et leurs peines … Et étaient loin de se douter que l’échéance de leur amitié arriverait bien trop vite, alors qu’ils s’étaient jurés d’être ensemble pour l’éternité. « Combien de fois t’ai-je dit de ne pas sortir quand je suis abstente ? » hurla sa mère après lui avoir mis une gifle, enragée et ivre. Il n’aimait pas la voir comme ça. Il tendit les bras pour les serrer contre lui mais elle le repoussa, comme à son habitude. « Va dans ta chambre maintenant. » il s’executa en silence, penaud. Joyeux anniversaire, Aden.

Aden, dix-sept ans ; Le lycée. Epoque de toutes les premières fois, des convoitises, de la mise en œuvre de ce que le jeune homme vivait depuis toujours chez lui : l’ambition. Ecraser les autres avant de se faire écraser. Être le meilleur. Le plus beau. Mépriser les autres. Être le Roi du monde. Pourtant, Aden commença doucement mais sûrement à changer. Las de ce monde superficiel et épuisant, il trouva du réconfort dans la connaissance et l’amour. Sa meilleure amie était bien plus qu’une amie pour lui, et ce depuis longtemps. Ils finirent par sortir ensemble, formant ainsi un couple envié et haï pourtant, que rien ni personne ne pouvait séparer. Ce fut le début de la fin pour Aden, pour leur trio, pour leur amitié. Jaloux, le troisième s’évertua à monter les autres et notamment la demoiselle contre Aden, ce qui ferait mouche deux ans plus tard, lorsque tous deux rejoindraient la Team Solem. Mais nous reviendrons sur cette histoire par la suite. Aden assista cette année-là au divorce de ses parents. Son père resta vivre avec sa maîtresse chinoise en plein cœur de Pekin et sa mère fut ruinée. Ils se retrouvèrent tous les deux dans une petite maison de quartier modeste, ce qui ne manqua d’attirer les mauvaises langues qui surnommèrent Aden le « roi déchu ». Seul contre tous, un peu ignoré par sa copine et leur meilleur ami dont il ignorait les véritables intentions, il fut bien obligé de se faire de nouveaux amis, de vrais amis. Pas de ceux à qui on adresse la parole en fonction de la taille de la voiture et du poids du porte-monnaie, mais ceux avec qu la discussion était possible et les sentiments véritables. Rien ne laissait encore présager que cette vie qu’il menait allait être chamboulée du tout au tout deux ans plus tard, avec l’arrivée des créatures les plus extraordinaires qui soient : les pokemon. Pour l’instant, il essayait de s’en sortir et de garder la tête haute, malgré les difficultés qui se mettaient en travers de son chemin. Ça l’aidait à grandir. Le petit garçon hautain et désagréable qu’il avait été était mort. Aden ne détestait pas la personne qu’il était devenu, au contraire. Il se sentait … Libéré. Libéré du poids du mensonge et des fausses apparences. Mais quand même, il avait perdu beaucoup.
   
Aden, dix-neuf ans ; Tout cela à cause d’un orage. Un orage silencieux, qui apportait avec lui et offrait à la race humaine celle des Pokemon. Le monde changea, radicalement. Les passions n’étaient plus à la guerre, la famine, aux grosses voitures non, c’était aux pokemon. On se faisait la guerre à travers eux. Le garçon était un peu sceptique quant à l’existence de ces créatures diverses et variées, aux couleurs et aux noms surprenants. Alors qu’il ne comptait pas en posséder spécialement, il fondit pour un Goupix aussi mignon qu’amusant. Aden la nomma Ewa et la surnomma Ewa la diva, à cause de ses manières précieuses qui lui rappelaient sans cesse sa mère, lorsqu’ils avaient été riches. Cette dernière ne sortait presque plus de sa chambre. Elle passait des heures au lit à regarder par la fenêtre, perdue. Elle avait totalement décrochée de cette réalité qui lui faisait peur et qui la rendait malheureuse. Il passait du temps à la coiffer et lui parler pour qu’elle ne sombre pas totalement. Que pouvait-il faire d’autre ? Elle était sa mère. Et puis ce fut la rupture définitive avec ses amis. Elle le quitta en déclarant qu’ils n’avaient plus rien en commun et que ça faisait bien longtemps qu’elle avait envie de le faire. Aden en souffrit énormément, mais n’en montra rien. Il ne voulait pas leur laisser une occasion de plus de le piétiner comme ils savaient si bien le faire. Pourtant, chaque jour sans eux était terriblement long et vide. Sa seule manière de ne pas sombrer dans le désespoir, c’était Ewa. Il l’observait des heures, attentif à la moindre de ses réactions. Il se posait mille et une questions sur le pourquoi de leur existence, sur ce qu’ils étaient. Grâce à ses résultats et la bourse qu’il avait gagnée en étant major de son lycée, Aden aurait pu aller dans les meilleures universités du monde entier. Mais l’arrivée des Pokemon lui avait ouvert une autre voie. Il confia sa mère à une vieille tante et quitta la maison à tout jamais, en compagnie d’Ewa.

Aden, vingt-trois ans ; Sa vie avait bien changé. Tout ce qu’il avait connu n’était plus. A présent, Aden travaillait pour la pension des Sequoia, le premier et plus réputé élevage de Pokemon. Là, on y faisait attention à lui comme on faisait attention à n’importe qui d’autre. Sa patience et sa curiosité ainsi que son désir de tout savoir et tout connaître amusait énormément les autres. Il pouvait passer des heures à entraîner le plus nul des Pokemon en se demandant juste ce qui bloquait chez lui, là où d’autres n’y auraient vu qu’un moins que rien. La seule chose qui n’avait pas changée, c’était sa rancœur envers ses amis qui avaient finalement intégré la Team Solem. Cette organisation de malfrats qui voyaient l’opportunité de prendre le contrôle du monde grâce aux Pokemon. Aden avait parfaitement conscience qu’il aurait pu lui aussi faire partie de cette Team si sa vie n’avait pas été bouleversée par quelques évènements, au lycée. Et c’était bien ce qui l’écœurait plus encore. Il savait aussi qu’ils sortaient ensemble à présent, ce qui était pour lui une triple trahison. Non, en fait, il était tellement en colère contre eux qu’il ne pourrait jamais les pardonner. Car le pire était sans doute qu’eux l’avaient rayé de leur vie, après tout ce qu’ils avaient vécu ensemble. Il appelait chaque semaine sa tante pour savoir comment allait sa mère. L’état de cette dernière ne semblait pas évoluer : assise des heures durant la fenêtre en silence, elle avait fini par décrocher totalement de la réalité. Aden, lui, continuait à s’occuper d’Ewa. Il n’avait pas la moindre envie d’avoir un autre pokemon à lui, s’occupant bien assez de ceux des autres. Ewa passait son temps à provoquer ceux qui étaient plus forts qu’elle et se faisait battre presque à tous les coups, mais elle semblait s’amuser et c’était le plus important. Aden aussi s’amusait, ici. Il s’était fait de nouveaux amis éleveurs, comme lui. La vie y était paisible … Mais manquait un peu d’action.