Notre compagnie vous informe que le départ pour Los Angeles sera retardé d’une dizaine de minutes. Nous vous remercions de bien vouloir rester sur votre siège et nous vous souhaitons un bon voyage. Merci. » Cette annonce fit rouspéter plus d’un passager. Je fis fi de toutes ces remarques. Les gens aimaient se plaindre, sans quoi, ils seraient malheureux. Contrairement à eux, ce message me rassurait et j’étais encore assez bête pour m’en amuser. J’ai toujours pensé qu’un train qui quittait sa gare à l’heure aurait un accident. Et pour cause, à écouter les gens gémir sur le mauvais fonctionnement des voies ferrées, l’ajournement de l’heure de départ était devenu une norme pour moi. Sérieusement. Au-delà de cette vision décalée, mon amusement était principalement crée grâce à la rapidité avec laquelle l’ambiance a fluctué. Quant à Milo, il était loin de tout ça. Il s’en fichait. Il n’avait même pas fait attention à quoi que ce soit. Il s’était assoupi sur mes jambes. Je lui caressais sa tête, imbriquant sa crête entre mon majeur et mon annulaire. Puis je lui massais le haut du front avec l’extrémité de mes membres. Le pokemon s’installa furtivement sur le dos. Je connaissais ce message subliminal. J’effleurai son ventre avec la paume de ma main puis jetai un œil par la fenêtre. Cinq minutes se sont écoulées. Cinq minutes à tenter de s’occuper. Et la seconde d’après, je commençais à me sentir oppressé.

Mes chevilles se rapprochèrent du siège soumettant mes talons à décoller du sol. En peu de temps mes jambes commencèrent à trembloter. Milo s’en amusa, c’était vibrant, relaxant. J’étais condamné à rester assis, à m’ennuyer. J’aurais dû apporter un livre. Non un jeu, quelque chose de ludique qui ferait passer la durée de ce trajet plus rapidement. Le glissement de l’aiguille sur ma montre ne me paraîtrait pas si bruyant. Souffle Nash, laisse-toi aller, ne pense à rien. Mais penser à rien c’est penser à ne penser à rien. Je dois m’occuper. « Milo ? » Pas de réponse. Enfoiré. Il fit mine de ne pas m’entendre car il savait très bien que j’allais le faire chier aussi longtemps qu’il serait éveillé. « Milo ?? » Silence… Il était peut-être mort ? Non, c’est idiot, les pokemon ne meurent pas. « Milo ??? » Absence de feedback. Tant pis… Pour lui. « Marshmallows ! » Il bondit prestement de son lit, se tenant à quatre pattes sur mes genoux pour me fixer avec des yeux de merlan frit. « Non, je les ai oubliés à la maison. Désolé. » Le trompai-je avec un sourire sadique. Le pokemon fronça ses sourcils, insatisfait et me tourna le dos. « Fais pas la tête ! Je m’ennuie. » Il haussa les épaules. Il ne supportait pas que je le nargue en particulier lorsqu’il s’agissait de ces friandises dont il raffolait. Il me détestera pour les deux minutes à venir mais au moins il était réveillé. Puis tôt ou tard, il se vengera.

Le train démarra. Direction la ville des Anges. J’observai le paysage défiler. Milo copia mon style et plaça ses deux pattes avant sur la vitre. « J’espère que le format de la ville ne nous angoissera pas. » Milo et moi étions habitués aux grands espaces verts. Ma mère adorait la nature. Ma famille appréciait la technologie, la modernité, mais elle épanouissait dans un cadre modeste qui semblerait sûrement pittoresque pour un homme de la ville. Nous n’étions pas des citadins, nous tenions à notre tranquillité et nous nous sommes développés dans une maison chaleureuse et personnelle. Débarquer à L.A était un défi mais accompagné de Milo je me sentais l’âme d’un conquérant. Qu’est-ce qui nous attendait là-bas ? De nouveaux pokemon ? Des combats ? Des rencontres ? De belles choses c’était certain.

Au bout d’une vingtaine de minutes, je me levai. J’avais atteint mon plafond de patience et j’avais envie de marcher. Je n’avais pas vraiment le choix ; c’était droit devant ou droit derrière. « Tu viens ? » Je réquisitionnai mon pokemon. Milo sauta sur mon épaule gauche et j’avançai dans l’allée passant de cabine en cabine. L’une d’elle était vide. D’ailleurs, il y avait très peu de monde dans les autres. Très peu d’êtres humains en tout cas… Mais il en suffit d'un pour que le voyage devienne intéressant. Un combat un contre un allait s'engager.

« Jeune homme, vous devez rester assis à votre place. » Un cheminot m’interpella à peine avais-je poser un pied dans la nouvelle voiture. Je ne savais pas les règles de sécurité aussi pénibles. Surtout dans un train. Ça allait toujours tout droit, ce n’était pas compliqué. « Oh… C’est sûr ? » Parfois on ignorait les véritables règles qui nous gouvernaient. Je ne remettais pas en cause son professionnalisme. Je ne me le permettrais pas. Je n’ai pas envie d’obéir. « Ça l’est. » Rétorqua-t-il froidement. « De quoi ? » C’est parti. Milo comprit que j’étais décidé à faire tourner en bourrique ce pauvre garçon. Il souffla. « Rester assis. » Précisa-t-il. A mon grand regret, il garda son calme. « Oh d’accord. » Son ordre était clair : je devais m’asseoir. Je m’exécutai, en plein milieu de l’allée. « Vous devez vous asseoir sur un siège. » Ah oui quel idiot je fais ! « Ba non faut dire : « Jacques a dit » sinon ça ne marche pas. » Cette conversation aurait pu durer jusqu’à l’arrivée. J’étais capable de trouver une faille ou de dévier chacune de ses paroles. Mais il finit par s’agacer. « Ok, on va régler ça à l’amiable. Malosse ! » Il lance sa pokeball. Un chien semblable à un rottweiler en sort. Il est à peine plus grand que Milo, vingt à trente centimètres je dirais.

C’est l’heure de choisir un des miens. Le choix est difficile. Tellement de possibilités. J’en transpirerais presque. Je n’avais jamais rencontré ce pokemon mais son apparence rouge et noir laisse penser qu’il s’agirait d’un type feu. Peut-être accouplé à un type ténèbre ou spectre. Milo se place naturellement devant moi. Je ne peux faire appel qu’à lui.

Spoiler:

Le pokemon s’écria, déterminé à se battre. Il se dressa aussi sur ses pattes arrière. Il ne refusait jamais un défi, sûrement par fierté. La robustesse de Malosse ne l’effrayait pas. Tout pokemon connaît des faiblesses aussi puissant soit-il. L’apparence se révèle parfois trompeuse et la puissance d’un pokemon n’est pas toujours en adéquation avec sa taille. Milo était capable d’en venir à bout. L’inverse était aussi vrai. Nous cumulions plus de défaites que de victoires.

Le combat débuta. Malosse fut plus rapide et lança d’emblée l’attaque Flammèche sous les ordres de son dresseur. Une sphère d’étincelles de feu se développa autour du pokemon et se déversa sur Milo. Cela n’eut quasiment pas d’effet. Milo était un pokemon de type eau. Les attaques de type feu ne sont pas très efficaces. Mais Malosse pouvait nous réserver d’autres surprises. Milo se remua légèrement pour se défaire des brindilles de flamme. Je lui dis de lancer charge afin de vérifier si Malosse était un type spectre ou non. En effet, les capacités de type normal n’ont aucun effet sur les spectres et réciproquement. Peu affaibli, il s’élança à grande vitesse vers le canidé pour le percuter d’un coup d’épaule. Le Malosse fut touché et se recula de quelques mètres alors que d’un bon en arrière, Milo regagna sa place initiale. Notre adversaire avait lui aussi semblé s’accommoder de cette offense. Le combat pouvait s’éterniser. Milo connaît peu d’attaques et à part Charge, les autres lui seraient complètement inutiles.

Nous étions à l’étroit dans le wagon. Les pokemon n’avaient pas la possibilité de bouger comme bon leur semble. Ils étaient proches l’un de l’autre et l’esquive serait difficilement réalisable. Le combat était une question d’endurance et de résistance, il n’y avait aucune stratégie de ma part, je pouvais simplement lancer Charge jusqu’à ce que Malosse soit mis K.O.

Spoiler:

Premier tour lancé. Aucun des deux pokemon ne semblait en avoir pris pour son grade. Malosse, peut-être avait connu une altercation plus douloureuse mais n’étant pas impartial, il était difficile de juger.

Le dresseur réemploya la même attaque. Une nouvelle fois, le molosse s’enveloppa dans une couche de brindilles enflammées qu’il projeta sur mon pokemon. Milo encaissa une nouvelle fois sans rechigner. Il semblait encore en bonne forme mais j’avais conscience qu’il avait déjà été touché deux fois et qu’il n’était pas aussi résistant qu’il voulait le montrer. « Milo, monte sur un dossier et lance Charge ! » Il fallait qu’il prenne plus d’élan, il lui fallait une plus grande vitesse pour un meilleur impact. Milo sauta sur un siège, bondit sur un autre et atterrit sur le haut d’un dossier, culminant le petit terrain. Il accéléra, prenant appui sur chaque siège pour aller toujours plus vite et gagner en force. Arrivé à la hauteur de Malosse, il plongea et le heurta de plein fouet. Malosse fut baladé jusqu’à l’arrière du wagon et il termina K.O. Milo s’était énervé, il y avait mis toute sa fougue. Il cria pour montrer qu’il en avait encore sous le capot. « T’as gagné, tu peux circuler librement dans ce train. » Le cheminot récupéra son pokemon. Fairplay, il me serra la main. « Sans rancune, merci pour ce combat. » Un large sourire encombra mon visage. J’étais fier de Milo, il avait gagné en assurance et il me réservait encore de belles surprises.

Après ce combat, je continuai sagement mon parcours. A vrai dire, il n’y eut rien d’intéressant excepté une capsule technique abandonnée sur l’un des sièges. C’est à cause de ce genre de récompense que je n’estimais pas mon trouble de la concentration comme un handicap mais comme un atout.

« Mesdames et messieurs, notre compagnie vous informe que nous débarquerons à Los Angeles dans les prochaines minutes, veuillez atteindre vos siège jusqu’à l’arrêt complet du train. Nous vous remercions d’avoir voyager à notre bord et vous souhaitons une agréable journée. » Suite à cette annonce, je m’exécutai. Je regagnai ainsi mon siège et attentif, toujours avec autant d’impatience, que le train s’arrête pour fouler les terres de Los Angeles.