Liz en avait assez d’entendre parler du pokérus, cette maladie dont les journaux rabâchaient sans cesse la dangerosité. Elle avait survécu à la grippe H1N1, à la grippe A, et à tout un tas d’autre maladies qui avaient entrainé le même cirque médiatique. Alors oui, elle en avait assez. Et n’avait pas du tout l’intention de commencer à s’inquiéter, malgré sa proximité avec bon nombre de pokémons. Et, donc, malgré cette épée de Damoclès, qu’elle considérait comme totalement imaginaire, au dessus de sa tête, Liz continuait à vivre sa vie normalement.

Enfin, presque, car son voisin charpentier avait eu la bonne idée de refaire sa palissade. Et cela faisait un boucan d’enfer, qu’elle devait supporter dès qu’elle se trouvait chez elle. Alors elle fuyait le quartier. Très souvent, elle s’arrangeait pour n’être chez elle que la nuit, tant les bruits de marteau menaçaient de la rendre folle. Et, à chaque fois qu’elle sortait, elle se demandait si, après avoir finit son travail, il allait s’attaquer au reste de son jardin, à l’aide d’un taille-haie plus bruyant que les outils qu’il utilisait actuellement. Clairement, elle espérait que non.

La plupart du temps, lorsqu’elle n’était pas à la pension, Liz se promenait donc dans les rues, dans le but de trouver un parc ou un café (selon la température et le temps) où elle pourrait s’installer pour lire Le Trône de Fer. Elle ne réussissait pas à attendre la suite de la série. Mais, ce jour-là, en particulier, elle avait décidé de se rendre dans le port de Los Angeles. Adieu, donc, les séances de lecture calée entre deux bornes d’arcades dans son cybercafé préféré. Et bonjour aux mouettes et autres goélands. Dans l’histoire, elle ne regrettait certainement pas le l’odeur qui avait tendance à s’échapper des urinoirs, malheureusement trop proche de sa place de prédilection. Elle avait laissé son livre chez elle, et en profitait pour réfléchir à quelques questions existentielles. Pourquoi y-a-t-il toujours de l’eau quand on ouvre un yaourt ? Pourquoi Superman mettait-il son slip par-dessus son pantalon ? Les pokémons ressemblant à des félins réagissaient-ils à l’herbe à chat ?

D’un coup, la tirant de ses pensées somme toute inutiles, le ciel s’assombrit. Liz chercha des yeux les nuages qui en étaient responsable, de façon à savoir si elle devait rentrer chez elle rapidement pour éviter un orage. Mais, elle n’en trouva aucun. L’ombre qui était sur le port n’avait aucune cause. C’était étrange. Mais pas plus étrange que les sourires sadiques qui commençaient à se dessiner sur les bateaux. Et qui s’ouvrirent peu de temps après, dévoilant une rangée de dents pointues qui auraient fait pâlir la plupart des requins. Prise de panique, elle recula, sans quitter des yeux cette vision d’horreur.

Elle devait utiliser toute sa volonté pour ne pas crier, quand soudain, elle sentit quelque chose dans ses cheveux. Et toute la volonté qui lui restait vola en éclat. Elle hurla, levant la tête pour découvrir une armée de mouette qui devait voir en elle quelque chose de beaucoup plus appétissant qu’un morceau de pain de mie rassis. Elle tentait de les chasser, tout en surveillant encore les bateaux qui la regardaient aussi comme si elle était un plat au fumet exquis.

Liz n’avait jamais utilisé de drogue de sa vie. Elle n’avait même pas fumé de cannabis quand elle était adolescente. A vrai dire, elle évitait même les vêtements à base de chanvre depuis qu’elle avait vu un ami faire un « bad trip » à cause d’un joint… Ce n’était donc pas une hallucination. Ce qu’elle vivait était forcément réel.